Presse
- QUATRE ETOILES DANS LE JAZZ MAGAZINE DE JANVIER 2014
"Magnifique pochette en caoutchouc magnétique de Dominique Masse. La musique de Gaël Mevel (pianiste) louvoie entre écriture souple et improvisation libre finement fléchée, Michaël Attias (alto sax), John Hébert (contrebasse) et Thierry Waziniak (drums) contribuent à l'équilibre funambulesque que s'y répartissent art collectif et invention individuelle.
Entre Threadgill et Delbecq, teinté parfois de phrases blues abstraites ou d'un choral naïf. Captivant !"
Ludovic Florin
- Disque "Elu" citizen Jazz
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La musique est très libre, mais pas free : nul expressionnisme ici. Une poignée de notes est lancée, comme autant de cailloux dans l’eau, et l’on contemple les cercles et le clapotis qui viennent brouiller la surface du silence. Car ainsi sont les thèmes que compose Gaël Mevel : peu de notes, peu de consignes, et les musiciens, comme l’eau, transportent, amplifient, troublent. Leurs trajectoires se croisent, comme deux vagues qui retombent en une légère écume, et la musique, née du silence, y retourne volontiers, telle cette gracile mélodie au piano qui conclut « Les morts en parlent au bord de la mer ». Mais un silence empli d’une présence cachée ; celui nécessaire à la prière, peut-être, quand l’alto d’Attias et la contrebasse d’Hébert mêlent leurs voix pour énoncer avec simplicité un benedictus de Josquin des Prez, dans « Le rêve de Nathanaël ». Nathanaël, c’est le fils de Gaël Mevel ; son rêve se retrouve au gré des disques de son père. Tantôt la musique est vive et forte, tantôt elle se déploie avec lenteur, comme dans l’ostinato de « Three Steps » ; mais elle nous ramène toujours à une oasis de silence, un lieu voué à la sérénité de la méditation, telle l’Alhambra de Grenade ; dans « Le jardinier de Grenade », justement, Mevel dit en musique un de ses textes évoquant le « calme des formes », « l’art de la courbe » ainsi qu’un « gardien habillé comme un prince qui montre un chemin dont chacun sait quelque chose ».
La liberté n’exclut pas la forme, donc… Ainsi le libre parcours est ici entamé et conclu par un même thème, « Feuillade », déjà présent sous le titre « Judex » [1] sur l’album en trio Danses parallèles : la destination est connue, mais chacun choisit son chemin. L’Alhambra serait ainsi un autoportrait de l’artiste en jardinier, qui suggèrerait qu’à l’intérieur de formes intemporelles et rigoureuses on peut jouir de la plus grande liberté.
Est-il nécessaire d’ajouter que les musiciens sont ici les parfaits messagers du « jardinier » ? Aucun d’entre eux ne joue le rôle qu’on lui attribue d’ordinaire : il n’est que d’écouter, dans le « Jardinier de l’Alhambra », la délicate introduction en solo de John Hébert - pourtant d’une grinçante étrangeté à l’archet à la fin de « Three Steps » -, pour saisir qu’on n’est pas ici en présence d’un rouage rythmique. Celui qui pourrait être son comparse en pulsation, Thierry Waziniak, est étonnant : inventive et attentive, sa batterie devient une voix de plus dans le contrepoint où elle fait entendre ses mélodies de timbres. Quand Attias joue a cappella (l’introduction des « Morts en parlent au bord de la mer »), on est saisi par sa voix toute de douce ferveur qui jamais n’a besoin de se tendre pour se faire entendre. Quand la basse profonde lui succède pour réexposer ce motif, on traverse alors un des moments de grâce dont est tissé ce bel album. Ces motifs simples en apparence, livrés à l’intelligence de ces artistes, graveront pour longtemps dans nos têtes leur entêtante petite musique. Michaël Attias ayant par la suite prolongé cette expérience en enregistrant en duo avec Gaël Mevel pour le label Rives, on peut nourrir l’espoir de retrouver les mêmes plaisirs.
Avant d’écouter ce disque, il vous faudra l’extraire de sa « pochette » en écartant deux plaques de caoutchouc aimantées, ornées à la main par le peintre Dominique Masse. Sur notre exemplaire, une large brosse a laissé comme un rideau de feu. Comment sera le vôtre ?
Laurent Poiget article complet ici
- Le pianiste français Gaël Mevel vient de partir sa propre étiquette, Label Rives, dont les disques compacts sont livrés entre deux carrés de caoutchouc magnétique peints à la main.Original et élégant. La première parution est une session enregistrée en novembre 2012 avec Mevel, son compatriote le batteur Thierry Waziniak et les New-Yorkais Michael Attias (saxo alto) et John Hebert (contrebasse). Ce quatuor improvise sur des thèmes composés par Mevel. Jazz doux, tendre et créatif, rien de mièvre. Mevel a toujours eu le don d’une beauté immédiate mais recherchée, et cette fois cela s’applique autant au contenu de ce disque qu’à son contenant. J’attendrai les parutions suivantes avec impatience – deux autres titres sont déjà à paraître. François Couture - Canada
- Espérons que la fantaisie créative et l’originalité du Label Rives continueront à se distinguer dans le futur tant par le contenu que la présentation de leurs albums. Leonid Auskern Russie
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Certain encounters immediately bear fruit.
No one knows why they do. Just the sense that despite the ocean there's a shared history, and that the human beings who reveal themselves in the eddies of my work are marvelous musicians, open, attentive, unsettling.
And right away one experiences the effects: a dense musical matter always available to silence; an energy, or rather, energies, that criss cross and collide; and, finally, phrases that embrace.
I'm reminded of something Jimmy Giuffre, the essential clarinetist, once said: Swing is being yourself.
Can four be oneself?
This is the beginning of an answer.
Gaël Mevel |
Le Jardinier de l’Alhambra texte de Gaël Mevel
Un jour, alors, je serai jardinier de l’Alhambra,
Dans le calme des formes,
Et l’eau obéissante sur le bassin,
Je vivrai là, dans le jardin, et ne ferai rien.
Je resterai, assis,
J’aurai un habit magnifique
gardien du calme et des orangers
Dans ce jardin où le calme déjoue la patience,
Il y a la clarté des formes et l’eau sur le bassin,
Je resterai assis, je ne ferai rien.
Mais je serai là,
Assis, je serai un exemple.
L’art de la courbe,
la conviction délicate de la géométrie,
Et les oranges que je pourrai déguster le matin,
Mais je suis fier de mon habit
Je suis l’exemple
Un gardien habillé comme un prince
qui montre un chemin dont chacun sait quelque chose,
Chacun en connaît une part, c’est ce qui fait que vous m’écoutez,
mais une petite part seulement et l’autre part, je ne vous en dirai rien.
Mon habit est magnifique, j’en suis fier,
Je suis majestueux, assis près de l’eau,
Mon habit est magnifique, et je sais en abuser.
Un autre jour, alors, une visiteuse est née, près de moi,
Je l’ai aimée, et je lui ai montré les orangers,
et ses cheveux en natte d’écorce,
Et les lieux que personne ne peut voir, même si j’indique le chemin.
Je l’ai perdue près du bassin et de la terre des orangers
Je reste maintenant plus près du palais, assis, dans mon habit doré.
Je garde le calme et l’eau sur le bassin,
mon habit est magnifique,
je suis un exemple, près du bassin.
Je ne fais rien.
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The gardener of Granada
Then, one day, I will be the gardener of the Alhambra
amid the tranquility of its shapes
and the obedient waters of the pool,
There will I live in the garden and do nothing.
There will I sit,
I will wear the magnificent outfit
of a guardian of tranquility and orange trees
In this garden where tranquility trumps patience,
the shapes are bright and clear and there is water in the pool.
There will I sit, I will do nothing.
But I will be there,
Sitting, I will be an example.
The art of curvature,
the delicate certitudes of geometry,
the oranges I will savor in the morning,
I am proud of my outfit
I am the example
A guardian in prince's clothes
who shows a path of which everyone knows some thing,
Everyone knows a part, this is why you listen,
but a small part only,
of the other part, I will tell you nothing.
My outfit is magnificent, I wear it with pride
and sit in majesty close to the water,
My outfit is magnificent, it gives me power to abuse.
On another day, a visitor was born nearby,
I loved her and I showed her the orange trees,
and her hair bundled in tree-bark,
And the places no one can see,
Even if I show them the path.
I lost her near the pool in the land of orange trees
now I've moved closer to the palace and sit in my gilded outfit.
I guard the tranquility and the water of the pool,
My outfit is magnificent,
I am an example, near the pool
I do nothing. |
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