|
J’ai vingt ans et je viens d’écouter la deuxième symphonie de Malher à l’auditorium de Lyon. Je sors de la salle convaincu que ma vie en est définitivement changée.
Depuis mon enfance je suis le monsieur Jourdain du sentiment océanique.
Mais si je suis vraiment honnête - et quel intérêt de
ne pas l’être lorsqu’on décide de prendre un stylo ? -
alors j’avouerai que le son qui a le plus bouleversé
mon rapport au monde fut plus bref que tout cela.
Beaucoup plus bref.
Une seconde ... Deux tout au plus.
C’est la nuit,
et nous roulons sur une départementale paumée du Jura...
François Salès,
extrait de "le son de la mort" |
|
|
Peut-être
n’y a t-il eu qu’un son
le choc de notre tête sur le sol
à la naissance
peut-être depuis
d’un tympan à l’autre
le sempiternel écho de ce choc
se répercute t-il dans notre boîte crânienne si
étonnamment vide
peut-être
extrait d'un poème de Bernard Ascal provenant du recueil Pas même le bruit initial,
Ed. Gros Textes 2014
|
|
|
Elle étale sa serviette sur la table et y pose la joue.
Elle a l’intention de duper l’adversaire. Ruse naïve mais délicate à mettre en œuvre, elle devra faire mine de s’être endormie. La serviette sur la table lui sera un oreiller et elle les écoutera parler, discuter, s’emporter, tergiverser, se taire, rêver, douter, penser, puis reprendre le fil des discutions.
C’est, chaque soir ou presque, le théâtre des voix plus palpitant qu’à la radio. Car voilà : il y a davantage que les voix, il y a la musique des langues, leurs mystérieux échos chez l’enfant. Il y a les langues, oui, plusieurs, qui se chevauchent, se heurtent, se rencontrent sans totalement se faire comprendre, et c’est une des principales raisons qui font que les amis de passage se trouvent regroupés autour de la table.
Ils sont polonais, italiens, hollandais, espagnols, portugais. Ils sont venus avec leurs questions, avec leurs peurs, leurs attentes, leurs espoirs.
Gisèle Bienne
extrait de "La musique des langues"
|
|